Biais de genre, femmes et recrutement : l’inclusion n’est plus une promesse, c’est une compétence
De nombreuses entreprises affichent leur volonté de recruter davantage de femmes. Mais l’inclusion ne se mesure pas à la communication. Elle se mesure à ce qui se joue sans intention : les biais de genre, profondément ancrés dans notre regard… et désormais dans nos outils.
Une étude remarquable publiée dans Nature (2025) révèle comment les images en ligne et les modèles d’IA façonnent inconsciemment notre perception de l’expérience et du leadership. Et cette représentation influence directement qui est jugé “prêt”, “compétent” ou “fait pour le poste”.
Ce que l’étude montre : jeunes femmes en bas, hommes plus âgés au sommet
Dans plus d’1,3 million d’images analysées, les femmes sont systématiquement représentées plus jeunes que les hommes, alors que l’écart d’âge réel au travail n’existe pas. Cette distorsion est ensuite amplifiée par les IA de génération et d’évaluation de CV.
L’étude démontre que :
- L’IA génère des CV de femmes plus jeunes et moins expérimentées que ceux des hommes, à parcours égal.
- Lorsqu’elle note les CV, les meilleurs scores vont aux hommes plus âgés, associés au leadership et à la compétence.
- Les jeunes femmes obtiennent de meilleurs scores que les jeunes hommes, qui sont donc eux aussi pénalisés.
Comparaison : potentiel versus légitimité
Le résultat le plus préoccupant n’est pas un “avantage masculin” global, mais une architecture hiérarchisée :
- Jeunes femmes en bas, hommes plus âgés en haut.
- Les unes sont vues comme “prometteuses”, les autres comme “légitimes”.
Ce qui bloque la mixité, ce n’est donc pas le nombre de femmes, c’est la façon dont leur expérience est perçue, avant même qu’elles ne se présentent à un entretien.
Le problème n’est pas la compétence des femmes, mais la légitimité qu’on leur accorde
Ce que révèle aussi le Reykjavík Index
Les données de l’IA ne sont pas un accident isolé.
Elles prolongent ce que montre chaque année le Reykjavík Index for Leadership (2024-2025) : dans les pays du G7, la société doute toujours de l’aptitude des femmes à diriger, et cette perception recule, surtout chez les plus jeunes.
Le score moyen (100 = égalité perçue) n’est que de 68, et il est en baisse par rapport à 2021. Ce déclin est particulièrement fort chez les 18-34 ans, femmes et hommes.
Autrement dit, même quand une femme a l’expérience, le diplôme et le parcours, la croyance collective la juge moins capable de diriger.
L’IA reproduit cette croyance, mais elle ne l’invente pas : elle l’amplifie.
Ce n’est donc pas seulement le recrutement qui est biaisé, mais l’idée même de leadership, socialement associée à des hommes plus âgés.
Les femmes ne manquent pas de compétence. Elles manquent d’un droit à être perçues comme légitimes.
=> C'est ce que je ne cesse de répéter depuis 2011, date de publication de mon 1er ouvrage sur cette thématique.
Pour vos recrutements : 2 pièges invisibles
-
Des visuels qui montrent surtout des hommes, ou des femmes jeunes, consolidant l’image du leader “expérimenté = masculin”.
-
Des IA de tri non auditées, favorisant les hommes plus âgés et poussant les femmes dans des rôles moins statutaires.
L'inclusion, ce n’est pas seulement recruter plus de femmes. C’est recruter autrement.
Recruter sans biais n’est pas une posture morale : c’est une stratégie de performance.
Une entreprise qui corrige ces distorsions :
- élargit son vivier
- accède au leadership féminin expérimenté
- augmente l’innovation
- fidélise mieux
L’inclusion n’est pas une bonne volonté.
C’est une compétence décisive dans la guerre des talents.
FAQ express
Un biais de genre en recrutement ?
Une évaluation différente selon le sexe, souvent inconsciente.
L’IA aggrave-t-elle la discrimination ?
Oui, si elle n’est pas auditée. Elle amplifie l’image “femme = moins expérimentée”.
Comment rendre une offre inclusive ?
Compétences => années, langage neutre, rôles modèles féminins de tous âges.
Biais de genre, leadership et pouvoir : l'ouvrage de 2011 d'Isabelle Deprez
Au travers d’un dialogue sans concession entre un homme et une femme, l’auteur interpelle le lecteur sur ses croyances. Les femmes veulent-elles réellement exercer le pouvoir ? Le langage est-il un frein à la réussite professionnelle des femmes ? Les grands mythes et leurs symboles affectent-ils encore les représentations des hommes et des femmes dans la société française ? Comment dépasser le stade du constat pour entrer dans l’action. Et pourquoi - surtout - faut-il le faire maintenant ?
Isabelle Deprez creuse au fil des pages toutes ces interrogations, y apportant des réponses souvent inattendues mais toujours argumentées, car validées par les plus récentes recherches.
Disponible ici :https://www.thebookedition.com/fr/la-femme-expliquee-p-69874.html
Sommaire :
- Qu’est-ce qu’une femme ?
- Quand nos héros étaient… des héroïnes !
- Les rituels conversationnels : un décodage indispensable ?
- Pourquoi les entreprises aiment-elles les femmes ?
- Pourquoi les femmes n’ont-elles aucun leadership… « féminin » ?
- Pourquoi les femmes ont-elles du pouvoir ? (si elles le désirent…)
Cet ouvrage est un dialogue entre un homme et une femme
A la réponse " Pourquoi faut-il le faire maintenant ?" voilà ce que je répondais - en 2011 - en guise de conclusion .
– Qu’y a-t-il d’autre ? Je te sens hésiter.
– Oui, j’hésite car je ne trouve pas mes mots. Je voudrais te dire pourquoi…les femmes larguent les amarres et soufflent dans les voiles, en ce moment. N’entends-tu rien ? Ne le sens-tu pas ? Les femmes n’ont jamais été aussi actives, n’ont jamais autant communiqué. C’est un mouvement puissant, et ce n’est pas seulement une question d’égalité, c’est beaucoup plus profond, infiniment vital. Les femmes crient que le temps est venu de les laisser entrer vraiment dans les organisations et les entreprises.
– Mais pourquoi faut-il le faire maintenant ?
Ne sens-tu rien ? Tension économique extrême, ravages des excès des comportements trop compétitifs, il ne se passe pas une journée sans qu’un rapport de force ne soit porté aux nues. Certains vont jusqu’à créer des tensions pour raviver l’étoffe de leur « héros » et se positionner en sauveur. C’est un jeu dangereux, extrêmement dangereux et les femmes veulent désormais changer les règles de cette partie. Le message des femmes s’adresse aux hommes, aux hommes modernes qui ont compris les enjeux économiques, sociaux et culturels dont nous avons parlé. Ce n’est pas un message de lutte pour une catégorie – pour les femmes – comme certains voudraient le faire croire. C’est un mouvement beaucoup plus large : un mouvement pour sortir des archaïsmes, pour faire émerger l’intelligence collective. Il revient aux hommes modernes – dans cette vague qui est en train d’enfler – d’aider à la manœuvre pour tendre les voiles, d’apporter les cartes de navigation qui permettent d’éviter les écueils et… de laisser accoster ces nouvelles embarcations. C’est un véritable enjeu de société pour l’avenir de notre monde et des générations futures. Et d’une terre qui s’assèche, nous pourrons – ensemble – faire germer des ambitions collectives véritablement inspirantes.
Platon ne disait-il pas que la « victoire sur soi est la plus grande des victoires ? »
Alors osons !
