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Le travail est mort ?!


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Extrait de " Réenchanter le travail, c’est possible ! "

Le travail est mort !

 Comprendre ce qui agite le monde du travail

Il y a quelques jours, lors d'un échange avec une amie, professionnelle de l'accompagnement en entreprise, je constatais son découragement. "Trop peu d'avancées, encore trop de stress, de mal-être au travail etc. Je n'y arrive pas et cela m'attriste".
Mon élan naturel me porte vers l'optimisme, même si, comme elle, je rencontre en entreprise des situations pour certaines, critiques...Nous nous sommes alors replongées dans mes travaux de recherche de 2018, avant Covid, et j'ai eu envie de questionner autour de moi. Mon intention : comprendre si mes constats et propositions contenues dans cet ouvrage, méritaient d'être actualisés. Depuis 2018, beaucoup de chocs se sont produits!  J'ai alors partagé un "appel aux témoignages" auprès de mes réseaux, en vidéo, sur Linkedin et Facebook et vous avoue être dubitative, en l'absence de réactions.
Tous désespérés? Tous finalement pas si mal au travail ?  


Alors, si vous souhaitez profiter de ce message, pour partager un constat, me parler d'une initiative intéressante dans votre entreprise etc., je serais ravie d'en prendre connaissance. Et peut-être cela me permettra-t-il de donner une suite à cet ouvrage et vous en réserver la primeur :)

Voici le point de départ, nous sommes en 2018, je tentais de comprendre les grands mouvements qui agitaient le monde du travail.
Extrait mon ouvrage - Partie 1 : Le travail est mort. Vraiment ? 


Le travail est mort ?! Vraiment ? 

Il est particulièrement difficile de dresser une carte exhaustive des mouvements à l'œuvre. Tout fait « système » et s'influence mutuellement. Chaque élément ne peut être dissocié de l'ensemble. La mutation du travail s'inscrit dans une, ou plutôt plusieurs vagues sociétales beaucoup plus vastes, et quand émerge une « ouverture » permise par la technologie ou un contexte nouveau, j'observe que se forme une communauté humaine se saisissant de cette opportunité et bousculant la stabilité des autres groupes sociaux.

Alors secouons nous aussi nos cartes habituelles, celles soigneusement enseignées à l'école française. Point n'est besoin de trier du plus grand au plus petit, du plus visible au signal faible, partageons un patchwork en pointillé de ce qui se dessine sous nos yeux.

Les points saillants des mutations en cours :

1. Le patchwork des prospectivistes : trois courants s’entrecroisant

  La fragmentation

La « fragmentation » de la société est inquiétante soulignent les experts sondés par la fabrique associative La Fonda dans ses travaux « Faire ensemble 2020 ». Ce premier courant s’illustre par le repli identitaire. Une partie de la population, en perte du sentiment d'appartenance à un collectif, un état, la société, une entreprise ou un territoire, se raccroche à une « communauté » qu’elle voit comme source de réassurance.

« J’existe ! » pourrait en être le mot de ralliement, comme un cri face au désespoir qu’engendrent la croissance des inégalités et le sentiment d’absence de perspectives individuelles.

  La fluidité et l’empathie

Deux autres courants puissants sont également en action. Beaucoup plus optimistes aussi.

Celui de la fluidité : il y est question de mobilité, de logique des réseaux, de civilisation numérique qui bouleversent le rapport au temps et à l’espace. Et enfin le courant de l’empathie. Encore embryonnaires, les manifestations de ce courant montrent un intérêt pour la nature, les systèmes collaboratifs et une société consciente de la responsabilité envers les générations futures. Les créatifs culturels, tournés vers l’écologie, la consommation responsable, le développement spirituel et la spiritualité incarnent parfaitement ce courant. 30 % des Français expriment des valeurs proches de cette dernière mouvance dont pas moins de 66 % de femmes ! Il suffit d’observer l’appétence pour le développement personnel, de se promener dans les plus grandes librairies et d’observer les rayons qui rassemblent les lecteurs pour se convaincre que le mouvement est réellement en marche. Cette réflexion prospective met en évidence l’émergence de croyances collectives favorables à un « devenir ensemble » fluide et empathique, contrebalançant une société en perte de repères. C’est un point de départ et d’appui solide pour réenchanter notre pays et le travail en particulier ! Les nouvelles formes d’activités qui naissent chaque jour et bousculent notre modèle du salariat classique, illustrent très bien ces trois courants à l’œuvre.

 La rapidité des innovations technoscientifiques

La rapidité des innovations technoscientifiques accélère ces mutations, avec cependant aussi leur lot de frayeurs savamment orchestrées. Chaque jour, les médias dressent un panorama saisissant des dommages collatéraux que génèrent les innovations technologiques. Il y a eu la vague Big Data en 2016. 2017 cède la place à l’intelligence artificielle et ses nombreux articles dithyrambiques. Fin du travail, les robots remplaceraient les salariés partout, l’intelligence humaine serait supplantée par celle des ordinateurs etc. La peur collective semble être un levier de chiffre d’affaires et il est bien difficile d’extraire de ce flux incessant l’article de fond, qui enfin, présente une version plus constructive de la réalité.

Comment ne pas voir, en effet, un processus de fragmentation lorsqu’il est question de l’ubérisation en version grand public ? Ce terme consacrant l’extension des plateformes numériques entre travailleurs indépendants et clients, dessine-t-il le monde de demain ? De plus en plus de secteurs sont en effet concernés : services aux particuliers, aux entreprises, covoiturage, location de véhicules, hébergements de tourisme, restauration à domicile, service juridique, traduction etc. Depuis 2015, Amazon va même jusqu'à proposer des micro-tâches et micro-rémunérations via sa plateforme « Mechanical Turk ».

L’individu offreur de service devient alors un simple numéro de matricule dans cette version ultime !

Pour ce qui est de la France cependant, ces formes d’activités restent encore marginales. On dénombre 800 000 autoentrepreneurs. Les indépendants ne pèsent encore que 11,5 % de la population active, chiffre inférieur à la moyenne européenne qui s’établit à 15 %. Le mouvement n’est pas près de rattraper les 4,7 millions de self-employed du Royaume-Uni (chiffre 2016) ou le tiers de la population active des États-Unis. Nous ferions-nous peur pour un phénomène finalement encore très embryonnaire en France ? À y regarder de plus près, ces accélérations technoscientifiques alimentent aussi les deux autres courants : fluidité et empathie.

Ces applications numériques collaboratives génèrent en effet de nouveaux services que chacun n’aurait peut-être pas pu s’offrir. Ne permettent-elles pas de découvrir un homme ou une femme partageant une même passion ? De voyager là où nous n’aurions jamais pu aller ? De nouer des liens qui n’auraient pas été possibles auparavant ? N’y a-t-il pas là grâce à ces services un réel surcroît de bien-être ? Et c’est bien sûr sans compter les multiples innovations dans le domaine de la santé, de l’agriculture de précision qui pourraient permettre de nourrir l’ensemble de la population mondiale etc. Mais qui en parle ?

Pas de quoi supplanter l’entreprise prédisent cependant deux chercheurs en gestion.

Bernard Baudry et Virginie Chassagnon, dessinent les limites de l’expansion des plateformes. « Là où le capital humain est intense et où le besoin de coordination et d’apprentissages collectifs est important, la plateformisation devient un coût et limite l’innovation collective. Le modèle du salariat intégré resterait alors la meilleure option. » Avec quelques réserves toutefois liées au potentiel d’apprentissage de l’intelligence artificielle, précisent-ils.

2. Le rapport sur le Futur des emplois

Le rapport sur le « Futur des emplois » _(janvier 2016) du World Economic Forum_, évoque cependant la disparition de 5,1 millions d’emplois d’ici 2020 dans les 15 pays les plus industrialisés (à l’exception de la Chine) sous les coups de boutoir du numérique, de la robotique, des nanotechnologies, des biotechnologies ou encore de l’imprimante 3D. Bureaux et administrations, production industrielle et manufacture, construction seraient les principaux secteurs concernés. L'arrivée de l'intelligence artificielle menacerait quant à elle les emplois d'experts. L'algorithme ferait mieux que l’humain dans les domaines experts avec une question bien définie et une très grande volumétrie de données disponibles. Exemple : répondre à des problématiques très précises comme « Quel portefeuille d'investissement construire en fonction de x variables précises ? » ou « Quel diagnostic sur une tumeur possiblement cancéreuse ? » etc. À y regarder de plus près, il ne s'agit que d'aide à la décision à ce stade, rien de plus. De là à imaginer une substitution massive à l'homme, je ne suis personnellement pas convaincue. Et surtout à court terme.

Professeur associé et chercheur en Big Data appliquées à l’économie des Essais Cliniques à l'université Juan Carlos De Madrid et fournisseur d’algorithmes dans la gestion des risques, Arslan Mazouni, semble moins optimiste. 

« À l’avenir, je ne sais pas comment le monde évoluera mais ce qui est sûr, c’est que les algorithmes vont supplanter beaucoup de métiers. On aura beaucoup plus de temps libre. Il devient indispensable de former les gens à la supervision de ces algorithmes. La culture algorithmique doit être enseignée très rapidement. C’est la réalité et nous devons nous adapter, très vite. Car une première révolution portait sur l'informatisation et a eu pour conséquence la constitution d’énormes gisements de données. Maintenant nous assistons à une seconde révolution : celle de l'information couplée à l'intelligence artificielle ! »

La supervision des algorithmes, ces séquences mathématiques complexes qui pourraient à terme guider nos choix sont en effet un aspect très sensible du monde qui se dessine devant nous.

Un autre point de vue intéressant est celui de Bertrand Duperrin, expert Frenchweb. L’emploi sera principalement impacté dans la production (via la robotisation) et les transactions (via l’IA), prédit-il, mais les métiers d’interactions entre humains résisteraient plus longtemps. 


« Les emplois de demain seront probablement caractérisés par les échanges entre humains dans des dimensions émotionnelles, affectives, artistiques qui dépasseront le cadre de l’automatisation tout en profitant de ce « nouvel environnement intelligent ». Par exemple, le jardinier, le masseur ou le plombier de demain seront des métiers technologiques, collaboratifs et sociaux, dans le sens où l’environnement intelligent déchargera de certaines activités pour se concentrer sur l’essentiel (par exemple le sens et le plaisir du jardin). »

Toutes ces hypothèses sont intéressantes et ne doivent, à mon sens, pas masquer pour autant la réalité de terrain. Entre le concept et sa mise en œuvre, il y a l’être humain et l’entreprise et leurs nombreuses résistances au changement, et c’est sans compter la capacité humaine à emprunter — souvent — des chemins inconnus ! La rébellion positive est dans nos gènes !

   Faire le tri dans le flux des peurs

Les experts échafaudent donc des hypothèses à moyen et long terme, et ils ont raison car elles impactent nos vies, nos projets et notre avenir professionnel aussi. Mais voyant aussi souvent avec quelle lenteur s’opèrent les transformations en entreprise, je ne suis pas certaine que leurs horizons temporels concordent vraiment. Et c’est là notre chance. Nous adapter au changement, inventer une autre voie, nous réinventer aussi, est tout à fait possible !

Sources : 

  • Faire ensemble 2020, _La Fonda, Séminaires de prospective avec C. LEMAGNEN : S. CORDOBES, J. DE COURSIN, P. DESTATE, P. DURANCE, T. GAUDIN, F. GOUX-BAUDIMENT, H. DE JOUVENEL et J. VIGNON, 2012.

  • L’arbitrage entre le salariat et le travail indépendant au prisme des théories de la firme. Une analyse économique des pratiques de crowdworking. — Bernard Baudry, Virginie Chassagnon — Revue OFCE – 2016/5 n° 149 pages 167 à 189

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